La fille d'avril d'Annelise Heurtier
Format broché, publié aux éditions Casterman en 2018
278 pages, 4/5 (notation personnelle)
Comme pour la plupart des jeunes filles dans les années 1960, l'avenir de Catherine est tout tracé : se marier, avoir des enfants, puis... s'en occuper le plus clair de son temps. Un jour, elle est contrainte de rentrer du collège en courant. C'est une révélation : quel sentiment de force, de liberté ! Mais courir, surtout pour une femme, est une chose alors impensable. Pourtant Catherine s'interroge, rêve d'une vie différente, s'entête... Jusqu'où sa détermination la mènera-t-elle ? (résumé de l'éditeur)
Je voudrais tout d'abord remercier le site Babelio et les éditions Casterman pour m'avoir envoyer gratuitement ce roman en échange d'un avis. Je connaissais déjà cette autrice, puisque j'avais lu Le Carnet Rouge qui avait été une très belle découverte. Encore une fois, ce roman m'a beaucoup touché, même si ce n'est pas un coup de cœur.
L'histoire débute en 2018, alors que Catherine et sa petite fille Izia sont dans le grenier à la recherche d'une robe. Izia tombe alors sur une boîte sur laquelle est inscrit « La fille d'Avril ». Catherine se met alors à lui raconter son adolescence durant les années 60...
« Nous devions toujours nous taire, toujours obéir. Et quand on était une fille c'était encore pire. On était la fille de son père, la femme de son mari, la mère de ses enfants, mais quand est-ce qu'on était soi ? Quand est-ce qu'on pouvait rire, crier, essayer, oser, rater ? »
J'ai bien aimé le personnage de Catherine, jeune fille rebelle qui a l'impression d'être étouffée par la place que prenne les hommes dans la société. Elle veut avoir le droit de continuer ses études, de rire aux éclats, de lire des magazines féminins et surtout... de courir ! Et oui, ça peut paraître surprenant mais, à l'époque, les femmes n'avaient pas le droit de courir plus de 10 minutes car, d'après les médecins... elles pourraient perdre leurs utérus en route... non, vous ne rêvez pas !
La seule chose que je n'ai pas vraiment apprécié dans le personnage de Catherine c'est sa naïveté. D'un côté, elle veut que les femmes jouent un plus grand rôle dans le monde, mais de l'autre elle croit beaucoup de choses invraisemblables, tout ça parce que les hommes disent que c'est vrai ! Alors je sais que l'accès à l'information n'était évidemment pas la même dans les années 60 mais quand même ! Elle pense que si elle court trop, une multitude de poils vont apparaître sur son corps ! Faut pas exagérer !
« Ou peut-être attendais-je seulement que Dieu décide de tout pour moi. Parce que je n'avais pas compris qu'il me laissait de la liberté. »
Et puis bien qu'elle veut du changement, elle a peur de faire quoi que ce soit pour faire évoluer sa situation donc ça m'a un peu énervé.
Il y a ensuite d'autres personnages comme ses parents, ses frères et sœurs, les Varax, Marie et Suzanne. Je ne les ai pas apprécié plus que ça, ils n'avaient rien d'extraordinaire...
« C'était autre chose qu'il mâchait. Des reproches ou de l'aigreur. »
En revanche j'ai absolument dé-tes-té Jean, son frère aîné. Il est tellement jaloux et aigri, tout ça parce que Catherine est plus intelligente que lui et qu'elle a l'opportunité de faire des études supérieures au lieu d'aller travailler à l'usine...
Le personnage que j'ai préféré c'est Mme Pichenaud, une quarantenaire qui accueille Catherine pour manger le midi. Elle est en avance sur son temps et est une vraie féministe (pas une folle qui pense que les hommes ne servent à rien mais une vraie de vraie) ! Elle ne demande pas l'autorisation à son mari pour passer son permis de conduire et à des goûts de décoration d'intérieur très... coloré.
Ce qu'elle dit à Catherine vers la fin du roman m'a beaucoup émue :
« -Mais tu sais, si j'avais eu une fille, je lui aurais souhaité de vivre dans une société dans laquelle il serait permis de s'habiller comme on veut. D'être qui on veut. »Cette phrase m'a émue parce qu'aujourd'hui encore, on ne peut pas être qui l'on veut sans se faire juger. J'imaginais cette personne aujourd'hui, en se rendant compte que malgré l'évolution des mentalités, certaines choses n'avaient pas changé...
C'est aussi ce qu'Izia dit à sa grand-mère après avoir écouté son récit :
« -A ton époque, il fallait absolument mettre une jupe et maintenant quand t'en mets une, tu peux te faire traiter de salo... ».Si j'ai aimé ce roman, ce n'est donc pas tant pour les personnages que pour le sujet dont il traite. Ça me fait toujours un peu mal de voir comment on traitait les femmes avant, et je suis toujours très reconnaissante que certaines d'entre elles se soient battues pour que je puisse voter et vivre (plus ou moins) comme je l'entends. Alors quand je lis un roman ou regarde un film qui parle de ça, je me jette toujours dessus, parce que j'aime me souvenir que, même si notre monde est loin d'être parfait, j'ai de la chance.
« Il fallait toujours l'autorisation d'un mari, d'un père ou d'un frère. »